Ecouter la version chantée Interprétation : Ensemble Faenza Composition : Nicolas Le Vavasseur - Diffusé par DEEZER - |
Honoré d'Urfé - (1567–1625)
L'Astrée
Elle a changé mon coeur
Elle a changé mon coeur, la volage qu'elle est,
Pour une moindre flamme,
Pour faire voir à tous qu'elle est femme en effet,
Et que c'est qu'une femme.
Mais fallait-il prétendre en cet esprit léger
Amour moins passagère :
Car puisqu'elle était femme il fallait bien juger
Qu'elle serait légère.
Ah ! je ne me plains pas de me voir délaisser,
Ni qu'elle se retire :
Mais qu'une femme étant, je devais bien penser
Qu'encore elle était pire.
Dieux ! quel fut le péché que l'homme avait commis
Pour loger la Pandore,
Pour certains il fut grand, puisque ses ennemis
Vous faites qu'il adore.
***
Elle a changé mon feu, la volage qu’elle est,
Pour une moindre flamme,
Pour faire voir à tous qu’elle est femme en effect,
Et que c’est qu’une femme.
Mais devois-je pretendre en cet esprit léger
Amour moins passagere ?
Car, puis quelle estoit femme, il faloit bien juger
Qu’elle seroit legere.
L’onde est moins agitée, et moins leger le vent,
Moins volage la flamme ;
Moins prompt est le penser que l'on va concevant,
Que le coeur d’une femme.
Ah ! je ne me plains pas de me voir offencer
Ny qu’elle se retire,
Mais, qu’estant une femme, il faloit bien penser
Qu’encore elle estoit pire.
Dieux ! quel fut le péché que l’homme avait commis,
Quand on fit la Pandore ?
Pour certain il fut grand, puis que ses ennemis
Vous faictes qu’il adore.
Nostre fier ennemy, ce sexe avec raison.
O dieux ! se peut bien dire,
Si, nous faisant languir, et mourir en prison,
II ne fait que s’en rire.
II se mocque de voir que l’homme qui se dit
Avoir tant de courage,
Languissant en prison, n’a le cœur ny l’esprit
De sortir du servage.
Il se mocque de voir que l’homme qui ça bas
Par raison est le maistre,
Aymé mieux vainement l’adorer que non pas
Estre ce qu’il doit estre.
Cruelle engeance, hélas ! le Ciel pour nostre ennuy
T’a de beauté pourveue,
Puisque tu ne t’en sers qu’au malheur de celuy
Qui peu sage t’a veue.