François de Malherbe
Ecouter la version chantée Interprétation : Claire Antonini Composition : Anthoine de Boesset - Diffusé par DEEZER - |
François de Malherbe (1555-1628)
Ne délibérons plus
Ne délibérons plus, allons droit à la mort ;
La tristesse m’appelle à ce dernier effort,
Et l’honneur m’y convie :
Je n’ai que trop gémi.
Si parmi tant d’ennuis j’aime encore ma vie,
Je suis mon ennemi.
Ô beaux yeux, beaux objets de gloire et de grandeur,
Vive source de flamme où j’ai pris une ardeur
Qui toute autre surmonte !
Puis-je souffrir assez
Pour expier le crime et réparer la honte
De vous avoir laissés ?
Quelqu’un dira pour moi que je fais mon devoir,
Et que les volontés d’un absolu pouvoir
Sont de justes contraintes :
Mais à quelle autre loi
Doit un parfait amant des respects et des craintes
Qu’à celle de sa foi ?
Quand le ciel offrirait à mes jeunes désirs
Les plus rares trésors et les plus grands plaisirs
Dont sa richesse abonde,
Que saurais-je espérer
À quoi votre présence, ô merveille du monde !
Ne soit à préférer ?
On parle de l’enfer et des maux éternels
Baillés pour châtiment à ces grands criminels
Dont les fables sont pleines :
Mais ce qu’ils souffrent tous,
Le souffrè-je pas seul en la moindre des peines
D’être éloigné de vous ?
J’ai beau par la raison exhorter mon amour
De vouloir réserver à l’aise du retour
Quelques restes de larmes ;
Misérable qu’il est !
Contenter sa douleur et lui donner des armes,
C’est tout ce qui lui plaît.
Non, non ; laissons-nous vaincre après tant de combats ;
Allons épouvanter les ombres de là-bas
De mon visage blême ;
Et, sans nous consoler,
Mettons fin à des jours que la Parque elle-même
A pitié de filer.
Je connais Charigène, et n’ose désirer
Qu’elle ait un sentiment qui la fasse pleurer
Dessus ma sépulture ;
Mais, cela m’arrivant,
Quelle serait ma gloire ! et pour quelle aventure
Voudrais-je être vivant ?
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