Ecouter sur DEEZER Interprété par Monique Morelli Sur une musique de Lino Leonardi |
François Villon - (1431-1463?)
Je plains le temps de ma jeunesse
Je plains le temps de ma jeunesse,
Auquel j’ai plus qu’autre gallé
Jusqu’à l’entrée de vieillesse,
Qui son partement m’a celé.
Il ne s’en est à pied allé,
N’à cheval ; hélas ! comment donc ?
Soudainement s’en est volé,
Et ne m’a laissé quelque don.
Allé s’en est, et je demeure
Pauvre de sens et de savoir,
Triste, failli, plus noir que mûre,
Qui n’ai ni cens, rente, n’avoir ;
Des miens le moindre, je dis voir’,
De me désavouer s’avance,
Oubliant naturel devoir,
Par faute d’un peu de chevance.
...
Hé ! Dieu, si j’eusse étudié
Au temps de ma jeunesse folle
Et à bonnes mœurs dédié,
J’eusse maison et couche molle.
Mais quoi ? Je fuyaie l’école,
Comme fait le mauvais enfant.
En écrivant cette parole,
À peu que le cœur ne me fend.
...
Mes jours s’en sont allés errant
Comme, dit Job, d’une touaille
Font les filets, quand tisserand
En son poing tient ardente paille :
Lors s’il y a nul bout qui saille,
Soudainement il le ravit.
Si ne crains plus que rien m’assaille,
Car à la mort tout s’assouvit.
...