Ecouter la version chantée Interprétation : Fernando Corena Composition : Camille Saint-Saëns - Diffusé par DEEZER - |
Victor Hugo - (1802-1885)
Le pas d'armes du Roi Jean
Par saint Gille,
Viens-nous-en,
Mon agile
Alezan ;
Viens, écoute,
Par la route,
Voir la joute
Du Roi Jean.
Qu’un gros carme
Chartrier
Ait pour arme
L’encrier ;
Qu’une fille,
Sous la grille,
S’égosille
À prier ;
Nous qui sommes,
De par Dieu,
Gentilshommes
De haut lieu,
Il faut faire
Bruit sur terre,
Et la guerre
N'est qu'un jeu.
Cette ville
Aux longs cris,
Qui profile
Son front gris,
Des toits frêles,
Cent tourelles,
Clochers grêles,
C'est Paris !
Los aux dames !
Au roi los !
Vois les flammes
Du champ-clos,
Où la foule
Qui s'écroule,
Hurle et roule
À grands flots !
Sans attendre,
Çà, piquons !
L'oeil bien tendre,
Attaquons
De nos selles
Les donzelles,
Roses, belles,
Aux balcons.
Là-haut brille,
Sur ce mur,
Yseult, fille
Au front pur ;
Là-bas, seules,
Force aïeules
Portant gueules
Sur azur.
On commence.
Le beffroi !
Coups de lance,
Cris d'effroi !
On se forge,
On s'égorge
Par saint George !
Par le Roi !
Dans l'orage,
Lis courbé,
Un beau page
Est tombé.
Il se pâme,
Il rend l'âme ;
Il réclame
Un abbé.
Moines, vierges,
Porteront
De grands cierges
Sur son front ;
Et, dans l'ombre
Du lieu sombre,
Deux yeux d'ombre
Pleureront.
Car madame
Isabeau
Suit son âme
Au tombeau.
Que d’alarmes !
Que de larmes !
Un pas d’armes.
C’est très beau !
Ça, mon frère,
Viens, rentrons
Dans notre aire
De barons ;
Va plus vite,
Car au gîte
Qui t'invite,
Trouverons,
Toi, l'avoine
Du matin,
Moi, le moine
Augustin,
Ce saint homme,
Suivant Rome,
Qui m'assomme
De latin,
Et rédige
En romain
Tout prodige
De ma main,
Qu’à ma charge
Il émarge
Sur un large
Parchemin.
Le vrai sire
Châtelain
Laisse écrire
Le vilain ;
Sa main digne,
Quand il signe,
Égratigne
Le vélin.