Ecouter la version chantée Interprétation : Monique Morelli Composition : Lino Leonardi - Diffusé par DEEZER - |
François Villon -(1431-1463?)
Le lais
I
L'an quatre cent cinquante six,
Je, François Villon, écolier,
Considérant, de sens rassis,
Le frein aux dents, franc au collier,
Qu'on doit ses œuvres conseillier
Comme Vegece le raconte,
Sage romain, grand conseillier,
Ou autrement on se mécompte. . .
II
En ce temps que j'ai dit devant,
Sur le Noel, morte saison,
Que les loups se vivent de vent
Et qu'on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison,
Me vint un vouloir de briser
La tres amoureuse prison
Qui souloit mon cœur debriser.
III
Je le fis en telle façon,
Voyant celle devant mes yeux
Consentant a ma défaçon,
Sans ce que ja lui en fût mieux;
Dont je me deuil et plains aux cieux,
En requerant d'elle vengeance
A tous les dieux venerieux,
Et du grief d'amour allegeance.
IV
Et se j'ai prins en ma faveur.
Ces doux regards et beaux semblants
De tres décevante saveur,
Me tréperçants jusqu'aux flancs,
Bien ils ont vers moi les pieds blancs
Et me faillent au grand besoin.
Planter me faut autres complants
Et frapper en un autre coin.
V
Le regard de celle m'a prins
Qui m'a été felonne et dure:
Sans ce qu'en rien aie méprins,
Veut et ordonne que j'endure
La mort, et que plus je ne dure;
Si n'y voi secours que fouïr.
Rompre veut la vive soudure,
Sans mes ipteux regrets ouïr!
VI
Pour obvier a ces dangers,
Mon mieux est, ce croi, de partir.
Adieu! Je m'en vais a Angers:
Puis qu'el ne me veut impartir
Sa grace, ne me departir,
Par elle meurs, les membres sains;
Au fort, je suis amant martyr
Du nombre des amoureux saints.
...
L'an quatre cent cinquante six,
Je, François Villon, écolier,
Considérant, de sens rassis,
Le frein aux dents, franc au collier,
Qu'on doit ses œuvres conseillier
Comme Vegece le raconte,
Sage romain, grand conseillier,
Ou autrement on se mécompte. . .
II
En ce temps que j'ai dit devant,
Sur le Noel, morte saison,
Que les loups se vivent de vent
Et qu'on se tient en sa maison,
Pour le frimas, près du tison,
Me vint un vouloir de briser
La tres amoureuse prison
Qui souloit mon cœur debriser.
III
Je le fis en telle façon,
Voyant celle devant mes yeux
Consentant a ma défaçon,
Sans ce que ja lui en fût mieux;
Dont je me deuil et plains aux cieux,
En requerant d'elle vengeance
A tous les dieux venerieux,
Et du grief d'amour allegeance.
IV
Et se j'ai prins en ma faveur.
Ces doux regards et beaux semblants
De tres décevante saveur,
Me tréperçants jusqu'aux flancs,
Bien ils ont vers moi les pieds blancs
Et me faillent au grand besoin.
Planter me faut autres complants
Et frapper en un autre coin.
V
Le regard de celle m'a prins
Qui m'a été felonne et dure:
Sans ce qu'en rien aie méprins,
Veut et ordonne que j'endure
La mort, et que plus je ne dure;
Si n'y voi secours que fouïr.
Rompre veut la vive soudure,
Sans mes ipteux regrets ouïr!
VI
Pour obvier a ces dangers,
Mon mieux est, ce croi, de partir.
Adieu! Je m'en vais a Angers:
Puis qu'el ne me veut impartir
Sa grace, ne me departir,
Par elle meurs, les membres sains;
Au fort, je suis amant martyr
Du nombre des amoureux saints.
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