Ecouter sur DEEZER Interprété par Jacques Douai sur une musique de Lino Leonardi |
Louis Aragon (1897-1982)
Maintenant que la Jeunesse
Maintenant que la jeunesse
S'éteint aux carreaux bleuis,
Maintenant que la jeunesse
Machinale m'a trahi.
Maintenant que la jeunesse,
Tu t'en souviens, souviens-t-en,
Maintenant que la jeunesse
Chante à d'autres le printemps.
Maintenant que la jeunesse
Détourne ses yeux lilas.
Maintenant que la jeunesse
N'est plus ici, n'est plus là.
Maintenant que la jeunesse,
Sur d'autres chemins légers,
Maintenant que la jeunesse,
Suit un nuage étranger.
Maintenant que la jeunesse
A fui, voleur généreux,
Me laissant mon droit d'aînesse
Et l'argent de mes cheveux.
Il fait beau à n'y pas croire,
Il fait beau comme jamais.
Quel temps, quel temps sans mémoire,
On ne sait plus comment voir,
Ni se lever ni s'asseoir,
Il fait beau comme jamais.
C'est un temps contre nature,
Comme le ciel des peintures,
Comme l'oubli des tortures,
Il faut beau comme jamais.
Frais comme l'eau sous la rame,
Un temps fort comme une femme,
Un temps à damner son âme,
Il faut beau comme jamais.
Un temps à rire et courir,
Un temps à ne pas mourir,
Un temps à craindre le pire,
Il fait beau comme jamais.