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Cabrel - Le chêne-liège



Ecouter la version chantée
Interprétation : Francis Cabrel
Composition : Francis Cabrel
- Diffusé par DEEZER -



Francis Cabrel - 2008


Le chêne-liège

Adossé à un chêne-liège
Je descendais quelques arpèges
En priant Dieu Bouddha que sais-je
Est-ce que tu penses à nous un peu

Le monde est aux mains de stratèges
Costumes noirs cravates beiges
Ou turbans blancs comme la neige
Qui jouent de bien drôles de jeux

Il y a dans nos attelages
Des gens de raison de courage
Dans tous les camps de tous les âges
Dont le seul rêve est d'être heureux

On a dressé des cathédrales
Des flèches à toucher les étoiles
Dit des prières monumentales
Qu'est-ce qu'on pouvait faire de mieux

Etes-vous là êtes-vous proche
Ou trop loin pour entendre nos cloches
Ou gardez-vous les mains dans les poches
Ou est-ce vos larmes quand il pleut

D'en haut de vos très blanches loges
Les voyez-vous qui s'interrogent
Millions de fourmis qui pataugent
La tête tournée vers les cieux

Sommes-nous seuls dans cette histoire
Les seuls à continuer à croire
Regardons-nous vers le bon phare
Ou le ciel est-il vide et creux

Adossé à un chêne-liège
Pris comme dans les fils d'un piège
Je descendais quelques arpèges
Je n'avais rien trouvé de mieux

Où êtes-vous dans l'atmosphère
On vous attend on vous espère
Mais c'est le doute et le mystère
Que vous m'aurez appris le mieux

Adossé à un chêne-liège
Je descendais quelques arpèges
Par un après-midi pluvieux



Du même auteur :
C'est écrit
Je l'aime à mourir
L'encre de tes yeux
Le chêne-liège
Le reste du temps

Ferré - Saint Germain des prés



Ecouter la version chantée
Interprétation : Léo Ferré
Composition : Léo Ferré
- Diffusé par DEEZER -




Léo Ferré (1916-1993)


Saint-Germain-des-Prés

J'habite à Saint-Germain-des-Prés
Et chaque soir j'ai rendez-vous
Avec Verlaine
Ce vieux pierrot n'a pas changé
Et pour courir le guilledou
Près de la Seine
Souvent l'on est flanqué
D'Apollinaire
Qui s'en vient musarder
Chez nos misères
C'est bête, on voulait s'amuser
Mais c'est raté
On était trop fauchés

Regardez-les tous ces voyous
Tous ces poètes de deux sous
Et leur teint blême
Regardez-les tous ces fauchés
Qui font semblant de ne jamais
Finir la semaine
Ils sont riches à crever
D'ailleurs ils crèvent
Tous ces rimeurs fauchés
Font bien des rêves
Quand même ils parlent le latin
Et n'ont plus faim
À Saint-Germain-des-Prés

Si vous passez rue de l'Abbaye
Rue Saint-Benoît, rue Visconti
Près de la Seine
Regardez le monsieur qui sourit
C'est Jean Racine ou Valéry
Peut-être Verlaine

Alors vous comprendrez
Gens de passage
Pourquoi ces grands fauchés
Font du tapage
C'est bête il fallait y penser
Saluons-les
À Saint-Germain-des-Prés



Du même auteur :
Avec le temps
Cette Blessure
La mémoire de la mer
Les poètes
Merci mon Dieu
Saint-Germain-des-Prés

Vigneault - Berceuse du temps de la colonie





Gilles Vigneault


Berceuse du temps de la colonie

Il a neigé sur le bois
Et sur la rivière
On ne voit plus les ornières
Au chemin du roi
Fais ton somme
Petit homme
Un Jésus tout comme toi
Est né chez les Iroquois
C'est un grand mystère!
Depuis trois nuits que le loup
Hurle la nouvelle
Les renards jouent de la vielle
Tout près de chez-nous
Cloche! cloche!
La caboche! la biche et le caribou
Sont venus voir à genoux
Et sa mère est belle...
Tu seras le grand trappeur
Dont parlait l'ancêtre
Rien que de te voir paraître
Les loups prendront peur
Plonge, plonge,
Dans ton songe
Pour être un jour le sauveur
Il faudra mon doux dormeur
Renaître et renaître...



Du même auteur :
Berceuse du temps de la colonie
La complainte
Les corbeaux
Mon Pays
Quand vous mourrez de nos amours

Vigneault - Quand vous mourrez de nos amours





Gilles Vigneault


Quand vous mourrez de nos amours

Quand vous mourrez de nos amours
J'irai planter dans le jardin
Fleur à fleurir de beau matin
Moitié métal moitié papier
Pour me blesser un peu le pied
Mourez de mort très douce
Qu'une fleur pousse

Quand vous mourrez de nos amours
J'en ferai sur l'air de ce temps
Chanson chanteuse pour sept ans
Vous l'entendrez, vous l'apprendrez
Et vos lèvres m'en sauront gré
Mourez de mort très lasse
Que je la fasse

Quand vous mourrez de nos amours
J'en ferai deux livres si beaux
Qu'ils vous serviront de tombeaux
Et m'y coucherai à mon tour
Car je mourrai le même jour
Mourez de mort très tendre
A les attendre

Quand vous mourrez de nos amours
J'irai me pendre avec la clef
Au crochet des bonheurs bâclés
Et les chemins par nous conquis
Nul ne saura jamais par qui
Mourez de mort exquise
Que je les dise

Quand vous mourrez de nos amours
Si trop peu vous reste de moi
Ne me demandez pas pourquoi
Dans les mensonges qui suivraient
Nous ne serions ni beaux ni vrais
Mourez de mort très vive
Que je vous suive



Du même auteur :
Berceuse du temps de la colonie
La complainte
Les corbeaux
Mon Pays
Quand vous mourrez de nos amours

Rimbaud - Au cabaret vert



Ecouter la version
composée et interprétée
par Bernard Ascal
- Diffusé par DEEZER -




Arthur Rimbaud (1854-1891)


Au cabaret vert

Depuis huit jours, j'avais déchiré mes bottines
Aux cailloux des chemins. J'entrais à Charleroi.
- Au Cabaret-Vert : je demandai des tartines
De beurre et du jambon qui fût à moitié froid.

Bienheureux, j'allongeai les jambes sous la table
Verte : je contemplai les sujets très naïfs
De la tapisserie. - Et ce fut adorable,
Quand la fille aux tétons énormes, aux yeux vifs,

- Celle-là, ce n'est pas un baiser qui l'épeure ! -
Rieuse, m'apporta des tartines de beurre,
Du jambon tiède, dans un plat colorié,

Du jambon rose et blanc parfumé d'une gousse
D'ail, - et m'emplit la chope immense, avec sa mousse
Que dorait un rayon de soleil arriéré.


Verlaine - Après trois ans


   Velléda - Sculpture d'Hippolyte Maindron au jardin du Luxembourg

Ecouter la version
composée et interprétée
par Jean-Marc Versini
- Diffusé par DEEZER -



Paul Verlaine (1844-1896)


Après trois ans

Ayant poussé la porte étroite qui chancelle,
Je me suis promené dans le petit jardin
Qu'éclairait doucement le soleil du matin,
Pailletant chaque fleur d'une humide étincelle.

Rien n'a changé. J'ai tout revu : l'humble tonnelle
De vigne folle avec les chaises de rotin...
Le jet d'eau fait toujours son murmure argentin
Et le vieux tremble sa plainte sempiternelle.

Les roses comme avant palpitent ; comme avant,
Les grands lys orgueilleux se balancent au vent,
Chaque alouette qui va et vient m'est connue.

Même j'ai retrouvé debout la Velléda,
Dont le plâtre s'écaille au bout de l'avenue,
Grêle, parmi l'odeur fade du réséda.


Aragon - Un jour j'ai cru te perdre


                Catherine Sauvage

Ecouter la version chantée
Interprétation : Catherine Sauvage
Composition : Lino Léonardi
- Diffusé par DEEZER -

Ecouter la version chantée
Interprétation : Jacques Douai
Composition : Lino Léonardi
- Diffusé par DEEZER -




Louis Aragon - (1897-1982)

Le roman inachevé


Un jour j'ai cru te perdre

Toute une nuit j'ai cru tant son front était blême
Tant le linge semblait son visage et ses bras
Toute une nuit j'ai cru que je mourais moi-même
Et que j'étais sa main qui remontait le drap

Celui qui n'a jamais ainsi senti s'éteindre
Ce qu'il aime peut-il comprendre ce que c'est
Et le gémissement qui ne cessait de plaindre
Comme un souffle d'hiver à travers moi passait

Toute une nuit j'ai cru que mon âme était morte
Toute une longue nuit immobile et glacé
Quelque chose dans moi grinçait comme une porte
Quelque chose dans moi comme un oiseau blessé

Toute une nuit sans fin sur ma chaise immobile
J’écoutais l'ombre et le silence grandissant
Un pas claquait parfois le pavé de la ville
Puis rien qu'à mon oreille une artère et le sang

Il a passé sur moi des heures et des heures
Je ne remuais plus tant j'avais peur de toi
Je me disais je meurs c'est moi c'est moi qui meurs
Tout à coup les pigeons ont chanté sur le toit


Villon - Au retour de dure prison


     Je, François Villon, BD de Luigi Critone d'après Jean Teulé

Ecouter la version chantée
Interprétation : Monique Morelli
Composition : Lino Leonardi
- Diffusé par DEEZER -




François Villon - (1431-1463?)


Au retour de dure prison

Au retour de dure prison
Où j'ai laissé presque la vie,
Se Fortune a sur moi envie
Jugez s'elle fait méprison !

Il me semble que, par raison,
Elle dût bien être assouvie
Au retour.

Se si pleine est de déraison
Que veuille que du tout dévie
Plaise à Dieu que l'âme ravie
En soit lassus, en sa maison,
Au retour !


Ronsard - Quand je vous vois


        Portrait de Ronsard par Salvador Dali

Ecouter la version chantée
Interprétation : Monique Morelli
Composition : Lino Leonardi
- Diffusé par DEEZER -



Pierre de Ronsard (1524-1585)


Quand je vous vois

Quand je vous vois ou quand je pense à vous
D'un frisson tout le coeur me frétille
Mon sang s'émeut et d'une pensée fertile
Une autre croît tant le sujet m'est doux

Je tremble tout de nerfs et de genoux
Comme la cire au feu je me distille
Ma raison tombe et ma force inutile
Me laisse froid sans haleine et sans pouls

Je semble au mort qu'en la fosse on dévale
Tant je suis hâve épouvantable et pâle
Voyant mes sens par la mort se muer

Et toutefois je me plais en ma braise
D'un même mal l'un et l'autre est bien aise
Moi de mourir et vous de me tuer


Nerval - Laisse-moi


        Jenny Colon, actrice, inspiratrice de Nerval

Ecouter la version chantée
Interprète : Cécile Charbonnel
Compositeur : Jean-Michel Charbonnel
- Diffusé par DEEZER -




Gerard de Nerval (1808-1855)

Laisse-moi

Non, laisse-moi, je t’en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon coeur :
Ne vois-tu pas, à ma tristesse,
Que mon front pâle et sans jeunesse
Ne doit plus sourire au bonheur ?

Quand l’hiver aux froides haleines
Des fleurs qui brillent dans nos plaines
Glace le sein épanoui,
Qui peut rendre à la feuille morte
Ses parfums que la brise emporte
Et son éclat évanoui !

Oh ! si je t’avais rencontrée
Alors que mon âme enivrée
Palpitait de vie et d’amours,
Avec quel transport, quel délire
J’aurais accueilli ton sourire
Dont le charme eût nourri mes jours.

Mais à présent, Ô jeune fille !
Ton regard, c’est l’astre qui brille
Aux yeux troublés des matelots,
Dont la barque en proie au naufrage,
A l’instant où cesse l’orage
Se brise et s’enfuit sous les flots.

Non, laisse-moi, je t’en supplie ;
En vain, si jeune et si jolie,
Tu voudrais ranimer mon coeur :
Sur ce front pâle et sans jeunesse
Ne vois-tu pas que la tristesse
A banni l’espoir du bonheur ?


Gautier - Le Merle



Ecouter sur la version chantée
Interprétée par la
Chorale Vox Angeli
- Diffusé par DEEZER -




Théophile Gautier - (1811-1872)


Le Merle

Un oiseau siffle dans les branches
Et sautille gai, plein d'espoir,
Sur les herbes, de givre blanches,
En bottes jaunes, en frac noir.

C'est un merle, chanteur crédule,
Ignorant du calendrier,
Qui rêve soleil, et module
L'hymne d'avril en février.


Pourtant il vente, il pleut à verse ;
L'Arve jaunit le Rhône bleu,
Et le salon, tendu de perse,
Tient tous ses hôtes près du feu.

Les monts sur l'épaule ont l'hermine,
Comme des magistrats siégeant.
Leur blanc tribunal examine
Un cas d'hiver se prolongeant.

Lustrant son aile qu'il essuie,
L'oiseau persiste en sa chanson,
Malgré neige, brouillard et pluie,
Il croit à la jeune saison.

Il gronde l'aube paresseuse
De rester au lit si longtemps
Et, gourmandant la fleur frileuse,
Met en demeure le printemps.

Il voit le jour derrière l'ombre,
Tel un croyant, dans le saint lieu,
L'autel désert, sous la nef sombre,
Avec sa foi voit toujours Dieu.

A la nature il se confie,
Car son instinct pressent la loi.
Qui rit de ta philosophie,
Beau merle, est moins sage que toi !


Gautier - Dernier voeu


      Ernesta Grisi, Muse de Gautier - Huile sur bois du poète

Ecouter la version chantée
Interprétation : Françoic Le Roux
Composition : Fernand Halphen
- Diffusé par DEEZER -




Théophile Gautier - (1811-1872)


Dernier Voeu

Voilà longtemps que je vous aime :
L’aveu remonte à dix-huit ans!
Vous êtes rose, je suis blême;
J’ai les hivers, vous les printemps.

Des lilas blancs de cimetière
Prés de mes tempes ont fleuri;
J’aurai bientôt la touffe entière
Pour ombrager mon front flétri.

Mon soleil pâli qui décline
Va disparaître à l’horizon,
Et sur la funèbre colline
Je vois ma dernière maison.

Oh ! que de votre lèvre il tombe
Sur ma lèvre un tardif baiser,
Pour que je puisse dans ma tombe,
Le coeur tranquille, reposer!


Bruant - Sur le tas


        Aristide Bruant

Ecouter la version chantée
Interprétée par Monique Morelli
sur un air d'Aristide Bruant
- Diffusé par DEEZER -




Aristide Bruant - (1851-1925)


Sur le tas

Nous sommes les purotins
De la grande ville
Les marlous et les catins
Nous sommes des mille

Nous naissons, nous vivons
Nous tombons, nous crevons
En tas, sur le tas
Nous crevons sur le tas !


Nous errons, sans feu ni lieu
Dans la capitale
Et nous couchons sur un pieu
Quand on nous emballe

On nous trouve sous les ponts
Aussi dans les bouges
En tas avec les fripons
Et les surins rouges

Nous n'apprenons pas des tas
Mais la République
Nous prend pour être soldat
Aux joyeux d'Afrique

Tout nus nous sommes venus
Comme vers de terre
Et nous sommes encore tout nus
Quand on nous enterre




Du même auteur :
A la Bastoche
A la place Maubert
La chanson des canuts
Les loupiots
Rue Saint-Vincent
Sur le tas

Anouilh - L'enterrement


        (c) http://vert-escargot.blogspot.fr/

Ecouter la version chantée
Interprétation : Simone Bartel
Composition : André Grassi
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Jean Anouilh (1910-1987)


L'enterrement

Le chien suivait l’enterrement du maître.
Il pensait aux caresses ;
Et il pensait aux coups.
Les caresses étaient plus fortes…

Dans le cortège, on s’indignait beaucoup.
On excusait la veuve – elle était comme morte.
On pardonnait à la maîtresse
(Elle était morte aussi).

Mais, qu’en la présence du prêtre,
La bonne ait pu laisser vagabonder ainsi
Ce chien au milieu du cortège !
Ah ! Ces filles vraiment ne se font nul souci.

Quelqu’un, l’ordonnateur, la famille, que sais-je ?
Aurait dû l’obliger à attacher le chien !
Elle-même, voyons ! C’est une propre à rien
Qui n’avait même pas l’excuse du chagrin.

Pourquoi la gardaient-ils ? Un ménage d’artistes…
Des véritables bohémiens.
Ce monde-là vivait d’une étrange manière…
De coup de pied en coup de pied dans le derrière,

Rejeté à la queue du cortège, le chien
Songeait que seule la bonne était triste ;
La bonne qui ne disait rien,
Et à qui ne parlait personne.

Il suivit jusqu’au bout aux cotés de la bonne.
Au cimetière, tous les deux au dernier rang
Ils écoutèrent le discours du président
De la Société des Auteurs Dramatiques.

A la fin, las du pathétique,
Le chien s’avança posément
Et, pour venger un peu la bonne,
Il pissa sur une couronne.


Chateaubriand - Les Martyrs


Pharamond élevé sur le pavois - Pierre Revoil

Ecouter la version chantée
Interprétation : Orhestre du Luxembourg
Composition : Albert Roussel
- Diffusé par DEEZER -



François-René de Chateaubriand - Les Martyrs


Le bardit des Francs

Pharamond! Pharamond! Nous avons combattu avec l'épée,
nous avons lancé la francisque à deux tranchants.
La sueur tombait du front des guerriers,
et ruisselait le long de leurs bras.

Les aigles et les oiseaux aux pieds jaunes poussaient des cris de joie, le corbeau nageait dans le sang des morts,
tout l'océan n'était qu'une plaie,
tes vierges ont pleuré longtemps.

Pharamond! Pharamond! Nous avons combattu avec l épée,
nos pères sont morts dans les batailles,
tous les vautours en ont gémi,
nos pères les rassasiaient de carnage.

Choisissons des épouses dont le lait soit du sang,
et qui remplissent de valeur le cœur de nos fils.
Pharamond! Le bardit est achevé les heures de la vie s'écoulent,
nous sourirons quand il faudra mourir.



Du même auteur :
Combien j'ai douce souvenance
Jeune fille et jeune fleur
Le bardit des Francs (Les martyrs)
Nuit de printemps

Chateaubriand - Jeune fille et jeune fleur


François-René de Chateaubriand peint par Anne-Louis Girodet

Ecouter la version chantée
Interprétation : Thomas Paul
Composition : Amy Beach
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François-René de Chateaubriand - Mémoires d'outre-tombe


Jeune fille et jeune fleur

Ecrit en prison le 17 juin 1832
au sujet de la mort d'Elisa Frisell.


Il descend ce cercueil, et les roses sans taches
Qu'un père y déposa, tribut de sa douleur,
Terre, tu les portas, et maintenant tu caches
Jeune fille et jeune fleur.

Ah ! ne les rends jamais à ce monde profane,
A ce monde de deuil, d'angoisse et de malheurs;
Le vent brise et flétrit, le soleil brûle et fane
Jeune fille et jeune fleur.

Tu dors, pauvre Elisa, si légère d'années!
Tu ne sens plus du jour le poids et la chaleur.
Vous avez achevé vos fraîches matinées,
Jeune fille et jeune fleur.

Mais ton père, Elisa, sur la tombe s'incline;
De ton front jusqu'au sien a monté la pâleur.
Vieux chêne!... le temps a fauché sur ta racine
Jeune fille et jeune fleur!



Du même auteur :
Combien j'ai douce souvenance
Jeune fille et jeune fleur
Le bardit des Francs (Les martyrs)
Nuit de printemps

Rimbaud - L'Eternité

                                Odilon Redon : Béatrice

Ecouter sur la version chantée
Composée et interprétée
par Dick Annegarn
- Diffusé par DEEZER -

Ecouter la version chantée
Composée et interprétée
par Claude Vence
- Diffusé par DEEZER -




Arthur Rimbaud - (1854-1891)


L'Eternité

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.

Ame sentinelle,
Murmurons l'aveu
De la nuit si nulle
Et du jour en feu.

Des humains suffrages,
Des communs élans
Là tu te dégages
Et voles selon.

Puisque de vous seules,
Braises de satin,
Le Devoir s'exhale
Sans qu'on dise : enfin.

Là pas d'espérance,
Nul orietur.
Science avec patience,
Le supplice est sûr.

Elle est retrouvée.
Quoi ? - L'Eternité.
C'est la mer allée
Avec le soleil.


Hugo - Puisque j'ai mis ma lèvre


      Adèle Foucher inspiratrice probable de ce poème

Ecouter la version moderne
compsée et interprétée
par Gerard Berliner
- Diffusé par DEEZER -
Ecouter la version classique
Compositeur : Reynaldo Hahn
Interprète : Marie Nicole Lemieux
- Diffusé par DEEZER -




Victor Hugo - (1802-1885)

Les chants du crépuscule


Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine

Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;
Puisque j'ai sur ton front posé mon front pâli ;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;

Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le coeur mystérieux ;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;

Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;

Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !

Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon coeur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !



Ecouter la version moderne
de Philippe Noireaut
- Diffusé par DEEZER -

Anonyme - Le roi a fait battre tambour


Françoise Athénaïs de Rochechouart de Mortemart dite Mme de Montespan

Ecouter sur DEEZER
Version complète interprétée
par Anne Sylvestre

Ecouter sur DEEZER
Version enfantine interprétée par
Les petits chanteurs à la croix de bois



Auteur inconnu


Le roi a fait battre tambour

Le roi a fait battre tambour,
Le roi a fait battre tambour,
Pour voir toutes ses dames,
Et la première qu'il a vue
Lui a ravi son âme.

"Marquis, dis-moi, la connais-tu?
Marquis, dis-moi, la connais-tu?
Qui est cette jolie dame?"
Et le marquis a répondu :
"Sire roi, c'est ma femme..."

- Marquis tu es plus heureux que moi,
Marquis tu es plus heureux que moi,
D'avoir femme si belle!
Si tu voulais me l'accorder,
Je me chargerais d'elle.

- Sire si vous n'étiez pas le roi,
Sire si vous n'étiez pas le roi,
J'en tirerais vengeance!
Mais puisque vous êtes le roi,
A votre obéissance...

- Marquis ne te fâche donc pas,
Marquis ne te fâche donc pas,
Tu auras ta récompense :
Je te ferai dans mes armées
Beau maréchal de France.

- Adieu ma mie, adieu mon coeur,
Adieu ma mie, adieu mon coeur,
Adieu mon espérance.
Puisqu'il te faut servir le roi
Séparons-nous d'ensemble...

Le roi l'a prise par la main,
Le roi l'a prise par la main,
L'a menée en sa chambre.
La belle en montant les degrés
A voulu se défendre.

- Marquise, ne pleurez pas tant!
Marquise, ne pleurez pas tant!
Je vous ferai princesse;
De tout mon or et mon argent
Vous serez la maîtresse.

- Gardez votre or ! Et votre argent
Gardez votre or ! Et votre argent
N'appartient qu'à la Reine.
J'aimerais mieux mon doux Marquis
Que toutes vos richesses !

La reine a fait faire un bouquet
La reine a fait faire un bouquet
De jolies fleur de lyse
Et la senteur de ce bouquet
A fait mourir marquise...


Hugo - Dans l'alcove sombre


                        Le Berceau de Berthe Morisot

Ecouter la version moderne
de Franck Pétrel
- Diffusé par YOUTUBE -





Victor Hugo - (1802-1885)


Dans l'alcôve sombre

Dans l'alcôve sombre,
Près d'un humble autel,
L'enfant dort à l'ombre
Du lit maternel.
Tandis qu'il repose,
Sa paupière rose,
Pour la terre close,
S'ouvre pour le ciel.

Il fait bien des rêves.
Il voit par moments
Le sable des grèves
Plein de diamants,
Des soleils de flammes,
Et de belles dames
Qui portent des âmes
Dans leurs bras charmants.

Songe qui l'enchante!
Il voit des ruisseaux.
Une voix qui chante
Sort du fond des eaux.
Ses sœurs sont plus belles.
Son père est près d'elles.
Sa mère a des ailes
Comme les oiseaux.

Il voit mille choses
Plus belles encor;
Des lys et des roses
Plein le corridor;
Des lacs de délice
Où le poisson glisse,
Où l'onde se plisse
À des roseaux d'or!

Enfant, rêve encore!
Dors, ô mes amours!
Ta jeune âme ignore
Où s'en vont tes jours.
Comme une algue morte
Tu vas, que t'importe!
Le courant t'emporte,
Mais tu dors toujours!

Sans soin, sans étude,
Tu dors en chemin;
Et l'inquiétude,
À la froide main,
De son ongle aride
Sur ton front candide
Qui n'a point de ride,
N'écrit pas: Demain !

Il dort, innocence!
Les anges sereins
Qui savent d'avance
Le sort des humains,
Le voyant sans armes,
Sans peur, sans alarmes,
Baisent avec larmes
Ses petites mains.

Leurs lèvres effleurent
Ses lèvres de miel.
L'enfant voit qu'ils pleurent
Et dit: Gabriel !
Mais l'ange le touche,
Et, berçant sa couche,
Un doigt sur sa bouche,
Lève l'autre au ciel!

Cependant sa mère,
Prompte à le bercer,
Croit qu'une chimère
Le vient oppresser.
Fière, elle l'admire,
L'entend qui soupire,
Et le fait sourire
Avec un baiser.


Baudelaire -Tristesses de la Lune


La Lune vue par Georges Méliès

Ecouter sur DEEZER
Interprété par
le groupe Celtic Frost
Ecouter la version
de : Régis Flécheau
- Diffusé par DEEZER -



Charles Baudelaire (1821-1867)


Tristesses de la Lune

Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse ;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.


Cadou - Le temps des villas vides


Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe et Marc Robine



René Guy Cadou (1920-1951)


Le temps des villas vides

Autour de la maison il n’y a que du sable
Des paupières de sable un silence de sable
Le souvenir d’un pas qui traîne dans l’allée
Un pas tremblant comme une anémone de mer

Et malgré les sapins c’est comme au bord des villes
La nuit venue un cimetière d’automobiles
Le cœur monte une carrosserie démodée
C’est aujourd’hui et c’est une autre année

Un temps trop court un temps mouillé de brumes douces
Une horloge qui bat à petites secousses
Comme un chat maigre boit une tasse de lait
Une vague soudain fait sauter les volets
Les jette sur les flots, gonflés comme des barques
Dans chacune il y a un enfant qui me nargue



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Brel - On n'oublie rien


Ecouter sur DEEZER
Interprété par Jacques Brel
Compositeur : Gerard Jouannest



Jacques Brel (1929-1978)


On n'oublie rien

On n'oublie rien de rien
On n'oublie rien du tout
On n'oublie rien de rien
On s'habitue c'est tout


Ni ces départs, ni ces navires
Ni ces voyages qui nous chavirent
De paysages en paysages
Et de visages en visages
Ni tous ces ports, ni tous ces bars
Ni tous ces attrape-cafard
Où l'on attend le matin gris
Au cinéma de son whisky
Ni tout cela, ni rien au monde
Ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est ronde.

Ni ces jamais ni ces toujours
Ni ces je t'aime ni ces amours
Que l'on poursuit à travers coeurs
De gris en gris de pleurs en pleurs
Ni ces bras blancs d'une seule nuit
Collier de femme pour notre ennui
Que l'on dénoue au petit jour
Par des promesses de retour
Ni tout cela ni rien au monde
Ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est ronde

Ni même ce temps où j'aurais fait
Mille chansons de mes regrets
Ni même ce temps où mes souvenirs
Prendront mes rides pour un sourire
Ni ce grand lit où mes remords
Ont rendez-vous avec la mort
Ni ce grand lit que je souhaite
A certains jours comme une fête
Ni tout cela ni rien au monde
Ne sait pas nous faire oublier
Ne peut pas nous faire oublier
Qu'aussi vrai que la terre est ronde



Du même auteur :
Au printemps
Jaurès
L'enfance
L'ivrogne
Le plat Pays
Les Marquises
Ne me quitte pas
On n'oublie rien
Rosa
Voir un ami pleurer

Rostand - Toutes les fleurs


Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Renée Doria
Composition : Emmanuel Chabrier



Edmond Rostand (1868-1918)


Toutes les fleurs

Toutes les fleurs, certes, je les adore!
Les pâles lys aux saluts langoureux,
Les lys fluets dont le satin se dore,
Dans leur calice, d'ors poudreux!
Et les bleuets bleus,
Dont l'azur décore
Les blés onduleux,
Et les liserons qu'entrouvre l'aurore
De ses doigts frileux...
Mais surtout, surtout, je suis amoureux,
Cependant que de folles gloses
S'emplissent les jardins heureux,
Des lilas lilas
Et des roses roses!

Toutes les fleurs, certes, je les adore!
Les cyclamens aux fragiles bouquets
Les mimosas dont le buisson se dore,
Et les chers jasmins si coquets,
Et les doux genêts
Dont la brise odore,
Et les fins muguets,
Les muguets d'argent,
Si frais quand l'aurore
Mouille les bosquets.
Mais surtout, surtout, je suis amoureux,
Cependant que de folles gloses
S'emplissent les jardins heureux,
Des lilas lilas
Et des roses roses!

Toutes les fleurs, certes, je les adore!
Toutes les fleurs dont fleurit ta beauté,
Les clairs soucis dont la lumière dore
Tes cheveux aux blondeurs de thé,
L'iris velouté
Qui te prête encore
Sa gracilité,
Et l'oeillet qui met ta joue et l'aurore
En rivalité!
Mais surtout, surtout, je suis amoureux,
Dans tes chères lèvres décloses
Et dans les cernes de tes yeux,
Des lilas lilas
Et des roses roses!



Du même auteur :
Ballade des gros dindons
La princesse
Ode à la musique
Pastorale des cochons roses
Souvenir vague ou les parenthèses
Toutes les fleurs

Rosemonde Gérard - Les Cigales


Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Renée Doria
Composition : Emmanuel Chabrier



Rosemonde Gérard (1871-1953)


Les cigales

Le soleil est droit sur la sente,
L'ombre bleuit sous les figuiers;
Ces cris au loin multipliés,
C'est midi, c'est midi qui chante.
Sous l'astre qui conduit le choeur,
Les chanteuses dissimulées
Jettent leurs rauques ululées
De quel infatigable coeur.

Les cigales, ces bestioles,
Ont plus d'âme que les violes;
Les cigales, les cigalons,
Chantent mieux que les violons!


S'en donnent-elles, les cigales,
Sur les tas de poussière gris,
Sous les oliviers rabougris
Étoilés de fleurettes pâles.
Et grises de chanter ainsi,
Elles font leur musique folle;
Et toujours leur chanson s'envole
Des touffes du gazon roussi!

Aux rustres épars dans le chaume,
Le grand astre torrentiel,
À larges flots, du haut du ciel,
Verse le sommeil et son baume.
Tout est mort, rien ne bruit plus
Qu'elles toujours, les forcenées,
Entre les notes égrainées
De quelque lointain angélus!



Du même auteur :
L'anneau d'argent
Les cigales
Ma première lettre
Tu me dirais

Alain Chartier - Triste plaisir et douloureuse joie


Alain Chartier

Ecouter sur DEEZER
Interprété par l'ensemble Gilles Binchois
Composition : Gilles de Binche



Alain Chartier (vers 1385-1449)


Triste plaisir et douloureuse joye

Triste plaisir et douloureuse joye,
Aspre doulceur, desconfort ennuieux,
Ris en plorant, souvenir oublieux,
M'acompaignent, combien que seul je soye.

Embuchié sont, affin qu'on ne les voye
Dedans mon cueur, en l'ombre de mes yeux.
Triste plaisir et douloureuse joye,
Aspre doulceur, desconfort ennuieux.

C'est mon trésor, ma part et ma monoye
De quoy Dangier est sur moy envieux
Bien le sera s'il me voit avoir mieulx
Quant il a deuil de ce qu'Amour m'envoye.

Triste plaisir et douloureuse joye,
Aspre doulceur, desconfort ennuieux,
Ris en plorant, souvenir oublieux,
M'acompaignent, combien que seul je soye.


Musset - Belle Emilie


        Maria Malibran muse de Musset par Henri Decaisne

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Michel Vivoux
sur une musique de Serge Kerval




Alfred de Musset - (1810-1857)


A Mme M.

Vous m'envoyez, belle Emilie,
Un poulet bien emmailloté ;
Votre main discrète et polie
L'a soigneusement cacheté.
Mais l'aumône est un peu légère,
Et malgré sa dextérité,
Cette main est bien ménagère
Dans ses actes de charité.
C'est regarder à la dépense
Si votre offrande est un paiement,
Et si c'est une récompense,
Vous n'aviez pas besoin d'argent.
A l'avenir, belle Emilie,
Si votre coeur est généreux,
Aux pauvres gens, je vous en prie
Faites l'aumône avec vos yeux.
Quand vous trouverez le mérite,
Et quand vous voudrez le payer,
Souvenez-vous de Marguerite
Et du poète Alain Chartier
Il était bien laid, dit l'histoire,
La dame était fille de roi ;
Je suis bien obligé de croire
Qu'il faisait mieux les vers que moi.
Mais si ma plume est peu de chose,
Mon coeur, hélas ! ne vaut pas mieux ;
Fût-ce même pour de la prose
Vos cadeaux sont trop dangereux.
Que votre charité timide
Garde son argent et son or,
Car en ouvrant votre main vide
Vous pouvez donner un trésor.


Charles d'Orléans - Quant j'ai ouy le tabourin

Ecouter sur DEEZER
Par l'ensemble vocal Jean Sourisse
Compositeur : Claude Debussy




Charles d'Orléans - (1391-1463)


Quant j'ai ouy le tabourin

Quant j'ai ouy le tabourin
Sonner, pour s'en aller au may,

En mon lit n'en ay fait affray
Ne levé mon chief du coussin;
En disant: il est trop matin
Ung peu je me rendormiray:

Quant j' ay ouy le tabourin
Sonner pour s'en aller au may,

Jeunes gens partent leur butin;
De nonchaloir m'accointeray
A lui je m'abutineray
Trouvé l'ay plus prouchain voisin;

Quant j'ay ouy le tabourin
Sonner pour s'en aller au may
En mon lit n'en ay fait affray
Ne levé mon chief du coussin.


Banville - Le premier soleil


                Composé et interprété par Alain Armel




Théodore de Banville - (1823-1891)

Odes funambulesques


Le premier soleil

Italie, Italie, ô terre où toutes choses
Frissonnent de soleil, hormis tes méchants vins !
Paradis où l’on trouve avec des lauriers-roses
Des sorbets à la neige et des ballets divins !

Terre où le doux langage est rempli de diphthongues !
Voici qu’on pense à toi, car voici venir mai,
Et nous ne verrons plus les redingotes longues
Où tout parfait dandy se tenait enfermé.

Sourire du printemps, je t’offre en holocauste
Les manchons, les albums et le pesant castor.
Hurrah ! gais postillons, que les chaises de poste
Volent, en agitant une poussière d’or !

Les lilas vont fleurir, et Ninon me querelle,
Et ce matin j’ai vu mademoiselle Ozy
Près des Panoramas déployer son ombrelle :
C’est que le triste hiver est bien mort, songez-y !

Voici dans le gazon les corolles ouvertes,
Le parfum de la sève embaumera les soirs,
Et devant les cafés, des rangs de tables vertes
Ont par enchantement poussé sur les trottoirs.

Adieu donc, nuits en flamme où le bal s’extasie !
Adieu, concerts, scotishs, glaces à l’ananas ;
Fleurissez maintenant, fleurs de la fantaisie,
Sur la toile imprimée et sur le jaconas !

Et vous, pour qui naîtra la saison des pervenches,
Rendez à ces zéphyrs que voilà revenus,
Les légers mantelets avec les robes blanches,
Et dans un mois d’ici vous sortirez bras nus !

Bientôt, sous les forêts qu’argentera la lune,
S’envolera gaîment la nouvelle chanson ;
Nous y verrons courir la rousse avec la brune,
Et Musette et Nichette avec Mimi Pinson !

Bientôt tu t’enfuiras, ange Mélancolie,
Et dans le Bas-Meudon les bosquets seront verts.
Débouchez de ce vin que j’aime à la folie,
Et donnez-moi Ronsard, je veux lire des vers.

Par ces premiers beaux jours la campagne est en fête
Ainsi qu’une épousée, et Paris est charmant.
Chantez, petits oiseaux du ciel, et toi, poëte,
Parle ! nous t’écoutons avec ravissement.

C’est le temps où l’on mène une jeune maîtresse
Cueillir la violette avec ses petits doigts,
Et toute créature a le cœur plein d’ivresse,
Excepté les pervers et les marchands de bois !