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Cadou - L'alphabet de la mort


                Musique guitare et chant : Guy Oudenot

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe




René Guy Cadou - (1920-1951)

Bruits du coeur (1941)


L'alphabet de la mort

O mort parle plus bas on pourrait nous entendre
Approche-toi encore et parle avec les doigts
Le geste que tu fais dénoue les liens de cendres
Et ces larmes qui font la force de ma voix

Je te reconnais bien. C'est ton même langage
Les mains que tu croisais sur le front de mon père
Pour toi j'ai délaissé les riches équipages
Et les grands chemins bleus sur le versant des mers.

Nous allons enlacés dans les brumes d'automne
Au fond des rues éteintes où tourne le poignard
Et jusqu'aux étangs noirs où ne viendra personne
O mort pressons le pas le ciel est en retard

C'est à tous les amis que j'offre ma poitrine
A tous ceux qui font l'air et la bonne chaleur
Après ça laissez-moi rouler sous les collines
L'ombre des animaux ne m'a jamais fait peur.

Flamme qui me retiens je souffle ta lumière
Et ces joues colorées qui rallument ma faim
Je glisse lentement. c'est assez douces pierres
Soulevez mes poumons que je respire enfin

Telle tu m'apparais que mon amour figure
Un arbre descendu dans le chaud de l’été
Comme une tentation adorable qui dure
Le temps d’une seconde et d’une éternité



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Verlaine - Kaléidoscope


Ecouter sur DEEZER
Interprété par Marc Robine
Composé par Hélène Triomphe





Paul Verlaine - (1844-1896)

Jadis et naguère

Kaléidoscope

Dans une rue, au coeur d'une ville de rêve
Ce sera comme quand on a déjà vécu :
Un instant à la fois très vague et très aigu...
Ô ce soleil parmi la brume qui se lève !

Ô ce cri sur la mer, cette voix dans les bois !
Ce sera comme quand on ignore des causes ;
Un lent réveil après bien des métempsycoses :
Les choses seront plus les mêmes qu'autrefois

Dans cette rue, au coeur de la ville magique
Où des orgues moudront des gigues dans les soirs,
Où les cafés auront des chats sur les dressoirs
Et que traverseront des bandes de musique.

Ce sera si fatal qu'on en croira mourir :
Des larmes ruisselant douces le long des joues,
Des rires sanglotés dans le fracas des roues,
Des invocations à la mort de venir,

Des mots anciens comme un bouquet de fleurs fanées !
Les bruits aigres des bals publics arriveront,
Et des veuves avec du cuivre après leur front,
Paysannes, fendront la foule des traînées

Qui flânent là, causant avec d'affreux moutards
Et des vieux sans sourcils que la dartre enfarine,
Cependant qu'à deux pas, dans des senteurs d'urine,
Quelque fête publique enverra des pétards.

Ce sera comme quand on rêve et qu'on s'éveille,
Et que l'on se rendort et que l'on rêve encor
De la même féerie et du même décor,
L'été, dans l'herbe, au bruit moiré d'un vol d'abeille.



Luc Bérimont - La nuit


Ecouter la version chantée
Interprétation : Marc Robine
et Hélène Triopmphe
Composition : Marc Robine
- Diffusé par DEEZER -




Luc Bérimont - (1915-1983)


La nuit

Les hommes ont passé Dimanche-de-la-Nuit
Sans butter au miroir double-béant des rêves.
La terre était au chaud dans le creux de leurs bras.
Des herbes, des maisons, l’étoile, une rivière
Une amitié d’oiseau vissée droit sur l’épaule
Aux lèvres la chanson des neiges, des muguets
Le baluchon noué, au ventre un pain de rire.

Au loin, la gare essaie le cri de ses coqs noirs
Une fileuse morte actionne le rouet


Des sonneries jetaient leur eau froide au visage
Le matin recensait les rues assassinées
Avec un grand bruit d’ombres et de feuilles mêlées.
Les hommes s’éveillaient au détour des sentiers
Dégrafaient leurs manteaux recouverts de présages
Tandis que résonnaient les salves des réveils
Et que partout, roulé dans des roses de linge,
Fusillé, tête à tête, au rire des cadrans
Un peuple se dressait, raide mort dans l’automne.

Au loin, la gare essaie le cri de ses coqs noirs
Une fileuse morte actionne le rouet


A cinq heures, l’alcool a le goût du passé
Seigneur ! ayez pitié de l’homme à la joue bleue
Il n’a devant les yeux que les doigts de sa lampe
Une poignée de pluie glisse dans le couloir
Elle sent le pays, les terreurs de l’enfance
Le cheval et les fleurs - le rossignol d’Octobre
Il voit ses mains gantées du givre des barrages

Au loin, la gare essaie le cri de ses coqs noirs
Une fileuse morte actionne le rouet



Du même auteur :
Chanson de l'été
Chanson pour la nommer
Haute plainte en plaine l'hiver
Je parle de la mer
Je t'attends aux grilles des routes
La nuit
Le voyageur
Noël (Madame à minuit)
Rémouleur
Soleil
Stances

Verlaine - Le chevalier Malheur


Version "Chanson française"
composée et interprétée
par Marc Robine
- Diffusé par DEEZER -
Version classique
Compositeur : Ernest Chausson
Interprète : Jean-Francois Gardeil
- Diffusé par DEEZER -



Paul Verlaine - (1844-1896)

Sagesse


Le chevalier Malheur

Bon chevalier masqué qui chevauche en silence,
Le Malheur a percé mon vieux coeur de sa lance.

Le sang de mon vieux coeur n'a fait qu'un jet vermeil,
Puis s'est évaporé sur les fleurs, au soleil.

L'ombre éteignit mes yeux, un cri vint à ma bouche
Et mon vieux coeur est mort dans un frisson farouche.

Alors le chevalier Malheur s'est rapproché,
Il a mis pied à terre et sa main m'a touché.

Son doigt ganté de fer entra dans ma blessure
Tandis qu'il attestait sa loi d'une voix dure.

Et voici qu'au contact glacé du doigt de fer
Un coeur me renaissait, tout un coeur pur et fier

Et voici que, fervent d'une candeur divine,
Tout un coeur jeune et bon battit dans ma poitrine !

Or je restais tremblant, ivre, incrédule un peu,
Comme un homme qui voit des visions de Dieu.

Mais le bon chevalier, remonté sur sa bête,
En s'éloignant, me fit un signe de la tête

Et me cria (j'entends encore cette voix) :
"Au moins, prudence ! Car c'est bon pour une fois."



Version classique
Compositeur : Ernest Chausson
Interprète : Marie Nicole lemieux
- Diffusé par DEEZER -

Cadou - Les chevaux de l’amour



Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe




René Guy Cadou - (1920-1951)


Les chevaux de l’amour

Les chevaux de l'amour me parlent de rencontres
Qu'ils font en revenant par des chemins déserts
Une femme inconnue les arrête et les baigne
D'un regard douloureux tout chargé de forêts

Méfie-toi disent-ils sa tristesse est la nôtre
Et pour avoir aimé une telle douleur
Tu ne marcheras plus tête nue sous les branches
Sans savoir que le poids de la vie est sur toi

Mais je marche et je sais que tes mains me répondent
Ô femme dans le clair prétexte des bourgeons
Et que tu n'attends pas que les fibres se soudent
Pour amoureusement y graver nos prénoms

Tu roules sous tes doigts comme des pommes vertes
De soleil en soleil les joues grises du temps
Et poses sur les yeux fatigués des villages
La bonne taie d’un long sommeil de bois dormant

Montre tes seins que je voie vivre en pleine neige
La bête des glaciers qui porte sur le front
Le double anneau du jour et la douceur de n'être
Qu'une bête aux yeux doux dont on touche le fond

Telle tu m'apparais que mon amour figure
Un arbre descendu dans le chaud de l’été
Comme une tentation adorable qui dure
Le temps d’une seconde et d’une éternité



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Hugo - Georges et Jeanne

        Jeanne, Victor et Georges

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Alain Lecompte



Victor Hugo - (1802-1885)


Georges et Jeanne

Les 4 premiers vers sont chantés par les deux interprètes.
Les autres choix d'Alain Lecompte sont en bleu foncé
Les autres choix de Marc Robine en bleu clair


Moi qu'un petit enfant rend tout à fait stupide,
J'en ai deux ; George et Jeanne ; et je prends l'un pour guide
Et l'autre pour lumière, et j'accours à leur voix,
Vu que George a deux ans et que Jeanne a dix mois.

Leurs essais d'exister sont divinement gauches ;
On croit, dans leur parole où tremblent des ébauches,
Voir un reste de ciel qui se dissipe et fuit ;
Et moi qui suis le soir, et moi qui suis la nuit,
Moi dont le destin pâle et froid se décolore,
J'ai l'attendrissement de dire : Ils sont l'aurore.


Leur dialogue obscur m'ouvre des horizons ;
Ils s'entendent entr'eux, se donnent leurs raisons.
Jugez comme cela disperse mes pensées.
En moi, désirs, projets, les choses insensées,
Les choses sages, tout, à leur tendre lueur,
Tombe, et je ne suis plus qu'un bonhomme rêveur.
Je ne sens plus la trouble et secrète secousse
Du mal qui nous attire et du sort qui nous pousse.
Les enfants chancelants sont nos meilleurs appuis.
Je les regarde, et puis je les écoute, et puis
Je suis bon, et mon coeur s'apaise en leur présence ;
J'accepte les conseils sacrés de l'innocence,
Je fus toute ma vie ainsi ; je n'ai jamais
Rien connu, dans les deuils comme sur les sommets,
De plus doux que l'oubli qui nous envahit l'âme
Devant les êtres purs d'où monte une humble flamme ;
Je contemple, en nos temps souvent noirs et ternis,
Ce point du jour qui sort des berceaux et des nids.

Le soir je vais les voir dormir. Sur leurs fronts calmes,
Je distingue ébloui l'ombre que font les palmes
Et comme une clarté d'étoile à son lever,
Et je me dis : À quoi peuvent-ils donc rêver ?
Georges songe aux gâteaux, aux beaux jouets étranges,
Au chien, au coq, au chat ; et Jeanne pense aux anges.
Puis, au réveil, leurs yeux s'ouvrent, pleins de rayons.


Ils arrivent, hélas ! à l'heure où nous fuyons.
Ils jasent. Parlent-ils ? Oui, comme la fleur parle
À la source des bois ; comme leur père Charle,
Enfant, parlait jadis à leur tante Dédé ;
Comme je vous parlais, de soleil inondé,
Ô mes frères, au temps où mon père, jeune homme,
Nous regardait jouer dans la caserne, à Rome,
À cheval sur sa grande épée, et tout petits.

Jeanne qui dans les yeux a le myosotis,
Et qui, pour saisir l'ombre entr'ouvrant ses doigts frêles,
N'a presque pas de bras ayant encor des ailes,
Jeanne harangue, avec des chants où flotte un mot,
Georges beau comme un dieu qui serait un marmot.
Ce n'est pas la parole, ô ciel bleu, c'est le verbe ;
C'est la langue infinie, innocente et superbe
Que soupirent les vents, les forêts et les flots ;
Les pilotes Jason, Palinure et Typhlos
Entendaient la sirène avec cette voix douce
Murmurer l'hymne obscur que l'eau profonde émousse ;
C'est la musique éparse au fond du mois de mai
Qui fait que l'un dit : J'aime, et l'autre, hélas : J'aimai ;

C'est le langage vague et lumineux des êtres
Nouveau-nés, que la vie attire à ses fenêtres,
Et qui, devant avril, éperdus, hésitants,
Bourdonnent à la vitre immense du printemps.
Ces mots mystérieux que Jeanne dit à George,
C'est l'idylle du cygne avec le rouge-gorge,
Ce sont les questions que les abeilles font,
Et que le lys naïf pose au moineau profond ;


C'est ce dessous divin de la vaste harmonie,
Le chuchotement, l'ombre ineffable et bénie
Jasant, balbutiant des bruits de vision,
Et peut-être donnant une explication ;
Car les petits enfants étaient hier encore
Dans le ciel, et savaient ce que la terre ignore.

Ô Jeanne ! Georges ! voix dont j'ai le coeur saisi !
Si les astres chantaient, ils bégaieraient ainsi.
Leur front tourné vers nous nous éclaire et nous dore.
Oh ! d'où venez-vous donc, inconnus qu'on adore ?
Jeanne a l'air étonné ; Georges a les yeux hardis.
Ils trébuchent, encore ivres du paradis.




Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Marc Robine

Verlaine - A Germain Nouveau


                                    Germain Nouveau
Ecouter sur DEEZER
Composé et Interprété
par Marc Robine



Paul Verlaine - (1844-1896)

À Germain Nouveau

Ce fut à Londres, ville où l’Anglaise domine,
Que nous nous sommes vus pour la première fois,
Et, dans King’s Cross mêlant ferrailles, pas et voix,
Reconnus dès l’abord sur notre bonne mine.

Puis, la soif nous creusant à fond comme une mine,
De nous précipiter, dès libres des convois,
Vers des bars attractifs comme les vieilles fois,
Où de longues misses plus blanches que l’hermine

Font couler l’ale et le bitter dans l’étain clair
Et le cristal chanteur et léger comme l’air,
— Et de boire sans soif à l’amitié future !

Notre toast a tenu sa promesse. Voici
Que, vieillis quelque peu depuis cette aventure,
Nous n’avons ni le cœur ni le coude transi.


Verlaine - Le Ciel est par-dessus le Toit


                  La version de Colette Magny

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Marc Robine
Musique d'Helène Triomphe
Ecouter sur DEEZER
Interprété par Renée Doria
Compositeur : Reynaldo Hahn



Paul Verlaine - (1844-1896)

Sagesse

D'une prison

Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.

La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.

Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.

Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?




Ecouter sur DEEZER
Interprété par Gérard Souzay
Compositeur : Gabriel Fauré

Aragon - Enfer-les-Mines


        Noyelles-Godault - Fosse n° 4 des mines de Dourges

Ecouter la version chantée
Composé et interprété
par Marc Robine
- Diffusé par DEEZER -



Louis Aragon (1897-1982)


Enfer-les-Mines

Charade à ceux qui vont mourir Égypte noire
Sans Pharaon qu'on puisse implorer à genoux
Profil terrible de la guerre où sommes-nous
Terrils terrils ô pyramides sans mémoire

Est-ce Hénin-Liétard ou Noyelles-Godault
Courrières-les-Morts Montigny-en-Gohelle
Noms de grisou Puits de fureur Terres cruelles
Qui portent çà et là des veuves sur leurs dos

L'accordéon s'est tu dans le pays des mines
Sans l'alcool de l'oubli le café n'est pas bon
La colère a le goût sauvage du charbon
Te souviens-tu des yeux immenses des gamines

Adieu disent-ils les mineurs dépossédés
Adieu disent-ils et dans le coeur du silence
Un mouchoir de feu leur répond Adieu C'est Lens
Où des joueurs de fer ont renversé leurs dès

Etait-ce ici qu'ils ont vécu Dans ce désert
Ni le lit de l'amour dans le logis mesquin
Ni l'ombre que berçait l'air du Petit Quinquin
Rien n'est à eux ni le travail ni la misère

Ils s'en iront puisqu'on les chasse ils s'en iront
C'est fini les enfants qu'on lave à la fontaine
Tandis que chante sous un ciel tissé d'antennes
La radio des bricoleurs dans les corons

Ils n'iront plus le soir danser à la ducasse
L'anthracite s'éteint aux pores de leur peau
Ils n'allumeront plus la lampe à leur chapeau
Ils s'en iront

Ils s'en iront puisqu'on les chasse


Cadou - Les maisons du destin


        Photo : irakfilsdabel.wordpress.com

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Marc Robine



René Guy Cadou (1920-1951)


Les maisons du destin

Il y a des maisons dont je n'approche guère
Que par un mouvement timide de la main
Comme s'il s'agissait d'un cheval de barrière
Habitué à des caresses de forain

Des maisons qui n'ont rien pour elles que des portes
Toujours béantes sur la tartine d'un enfant
Et des étages aux lingeries désespérantes
Que ne parvient à regonfler un maigre vent

J'écoute avant d'entrer le bruissement de pierre
Que font au bord du ciel ces maisons du destin
La pluie d'avril ne chante pas dans les gouttières
Bouchées par un caillot de sang gros comme un poing

Une femme en cheveux qui n'a que sa tristesse
Au-dessus de la rue penche pour y tomber
Le ciel vacille avec des lueurs de lampe à graisse
Très loin parmi de hautes cheminées

Et je monte en tremblant une marche après l'autre
Ainsi qu'un affamé domestique sa faim
Ce soir j'ai du salpêtre sous les côtes
Eblouissant comme une étoile de chagrin

Et je veille avec vous cette ville dormeuse
Enroulée mollement dans la fumée des trains
Tandis que sous le front glacé d'une veilleuse
S'insinue un peu plus de désespoir humain.



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Desnos - Le souvenir


Ecouter la version chantée
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe
- Diffusé par DEEZER -



Robert Desnos (1900-1945)

Le souvenir

M’étant par bonheur attardé,
En flânant dans les avenues,
À votre fenêtre accoudée
Je vous ai bien surprise nue,
Mais mon cœur était accordé.

Mais mon cœur était accordé
À des voix de très loin venues.
Le noir de l’ombre avait fardé
Les grands yeux blancs de la statue
Du carrefour où j’ai rodé.

Venant d’Arcueil ou de Passy
Un vent frais soufflait dans la rue :
Je suis passé, c’était ici
Et je vous ai surprise nue
Tachant de blanc la molle nuit.

Feuille morte des temps passés,
Fantôme une nuit apparue,
Beaux drapeaux au matin hissés,
Qu’êtes-vous belle devenue,
Dans Paris la ville pressée ?

Pressée de vivre et de flamber,
Impassible et bien vite émue,
De tant de nuits vite tombées,
Telle celle où vous étiez nue
À votre fenêtre accoudée.

Paul Fort - La ronde


        Henri Matisse - La danse

Ecouter sur DEEZER
Interprété par Marc Robine
Ecouter sur DEEZER
Interprété par Lionel Peintre
Compositeur : André Caplet



Paul Fort (1872-1960)


La ronde

Si toutes les filles du monde voulaient s'donner la main,
tout autour de la mer elles pourraient faire une ronde.

Si tous les gars du monde voulaient bien êtr' marins,
ils f'raient avec leurs barques un joli pont sur l'onde.

Alors on pourrait faire une ronde autour du monde,
si tous les gens du monde voulaient s'donner la main.



Ecouter sur DEEZER
L'adaptation de Marcel Achard
interprétée par Les compagnons de la chanson
Compositeur : Georges van Parys

Du même auteur :
Chanson de fol
Chanson fatale
Comme Hier
Complainte du petit cheval blanc
Complainte du roi et de la reine
Enterrement de Verlaine
Il faut nous aimer vivants
La ronde
Le bonheur est dans le pré
Le chasseur perdu en forêt
Les baleines
Les boules de neige
Si le Bon Dieu l'avait voulu

Carco - Ton ombre


        Adolfo Kaminsky - 1946

Ecouter la version chantée
Composée et interprétée
par Marc Robine (texte bleu)
- Diffusé par DEEZER -
Ecouter la version chantée
par Jacques Douai (texte restant)
Composition : T.Vial
- Diffusé par DEEZER -



Francis Carco (1886-1958)


Ton ombre

Quand je t'attendais, dans ce bar,
La nuit, parmi des buveurs ivres
Qui ricanaient pour avoir l'air de rire,
Il me semblait que tu arrivais tard
Et que quelqu'un te suivait dans la rue.
Je te voyais te retourner avant d'entrer.
Tu avais peur. Tu refermais la porte.
Et ton ombre restait dehors:
C'était elle qui te suivait.

Ton ombre est toujours dans la rue
Près du bar où je t'ai si souvent attendue,
Mais tu es morte
Et ton ombre, depuis, est toujours à la porte.
Quand je m'en vais, c'est à présent moi qu'elle suit
Craintivement, comme une bête.
Si je m'arrête, elle s'arrête.
Si je lui parle, elle s'enfuit.


Ton ombre est couleur de la pluie,
De mes regrets, du temps qui passe.
Elle disparaît et s'efface
Mais envahit tout, à la nuit.

Sous le métro de la Chapelle
Dans ce quartier pauvre et bruyant,
Elle m'attend, derrière les piliers noirs,
Où d'autres ombres fraternelles
Font aux passants, qu'elles appellent,
De grands gestes de désespoir.

Mais les passants ne se retournent pas.
Aucun n'a jamais su pourquoi,
Dans le vent qui fait clignoter les réverbères,
Dans le vent froid, tant de mystère
Soudain se ferme sur ses pas...

Et moi qui cherche où tu peux être,
Moi qui sais que tu m'attends là,
Je passe sans te reconnaître.
Je vais et je viens, toute la nuit,
Je marche seul, comme autrefois,
Et ton ombre, couleur de pluie,
Que le vent chasse à chaque pas,
Ton ombre se perd dans la nuit
Mais je la sens tout près de moi...

Tu n'étais qu'une fille des rues,
Qu'une innocente prostituée,
Dans le quartier de Whitechapel,
La nuit que je t'ai rencontrée.

Tu étais lasse et triste, comme les filles de Londres,
Tes cheveux conservaient une odeur de brouillard
Et, lorsqu'ils te voyaient à la porte des bars,
Les dockers ivres t'insultaient
Ou t'escortaient dans la rue sombre.

Ce n'est pas toi, ce n'est pas toi,
C'est tout ce que tu me rappelles:
Comme j'étais triste, avant de te connaître,
Où me portaient mes pas, c'était la même histoire.
J'allais toujours vers les sifflets des trains,
Sur un grand boulevard trouble et peuplé de fantômes.
Là j'attendais je ne sais qui, je ne sais quoi,
Mais les trains passaient en hurlant,
Et cette attente avait l'air d'un départ.

La ronde des ombres de la nuit
Tourne infatigablement
Avec ses voyous et ses filles,
Ces marlous aux chandails humides
Et le vent qui chasse la pluie,
Les globes des hôtels meublés,
Ces bars où grincent les fenaux,
Me jetant quelquefois, par la porte,
Comme l'appel d'une voix morte...



Du même auteur :
Au pied des tours de Notre-Dame
Bohème
Chanson Tendre
Complainte
Il pleut
Le doux caboulot
Les fiacres
Nuits d'hiver
Rengaine
Ton ombre

Verlaine - Dans l'interminable ennui de la plaine



Ecouter la version chantée
par Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe
- Diffusé par DEEZER -

Ecouter la version chantée
Interprétation : Mireille Delunsch
Composition : Louis Vierne
- Diffusé par DEEZER -



Paul Verlaine - Romances sans paroles


Dans l'interminable ennui de la plaine

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la lune.

Comme les nuées
Flottent gris les chênes
Des forêts prochaines
Parmi les buées.

Le ciel est de cuivre
Sans lueur aucune.
On croirait voir vivre
Et mourir la Lune.

Corneille poussive
Et vous, les loups maigres,
Par ces bises aigres
Quoi donc vous arrive?

Dans l'interminable
Ennui de la plaine
La neige incertaine
Luit comme du sable . . .


Desnos - Le poème à Florence


    Robert Desnos par Raphaël Gauthey

Ecouter la version chantée
Interprétation : Marc Robine
Composition : Marc Robine
- Diffusé par DEEZER -



Robert Desnos (1900-1945)


Le poème à Florence

Comme un aveugle s’en allant vers les frontières
Dans les bruits de la ville assaillie par le soir

Appuie obstinément aux vitres des portières
Ses yeux qui ne voient pas vers l’aile des mouchoirs

Comme ce rail brillant dans l’ombre sous les arbres
Comme un reflet d’éclair dans les yeux des amants
Comme un couteau brisé sur un sexe de marbre
Comme un législateur parlant à des déments

Une flamme a jailli pour perpétuer Florence
Non pas celle qui haute au détour d’un chemin
Porta jusqu’à la lune un appel de souffrance
Mais celle qui flambait au bûcher quand les mains

Dressées comme cinq branches d’une étoile opaque
Attestaient que demain surgirait d’aujourd’hui
Mais celle qui flambait au chemin de saint Jacques
Quand la déesse nue vers le nadir a fui

Mais celle qui flambait aux parois de ma gorge
Quand fugitive et pure image de l’amour
Tu surgis tu partis et que le feu des forges
Rougeoyait les sapins les palais et les tours

J’inscris ici ton nom hors des deuils anonymes
Où tant d’amantes ont sombré corps âme et biens
Pour perpétuer un soir où dépouilles ultimes
Nous jetions tels des os nos souvenirs aux chiens


Tu fonds tu disparais tu sombres mais je dresse
Au bord de ce rivage où ne brille aucun feu
Nul phare blanchissant les bateaux en détresse
Nulle lanterne de rivage au front des boeufs

Et je dresse aujourd’hui ton visage et ton rire
Tes yeux bouleversants ta gorge et tes parfums

Dans un olympe arbitraire où l’ombre se mire
Dans un miroir brisé sous les pas des défunts

Afin que si le tour des autres amoureuses
Venait avant le mien de s’abîmer tu sois
Et l’accueillante et l’illusoire et l’égareuse
La soeur des mes chagrins et la flamme à mes doigts

Car la route se brise au bord des précipices
Je sens venir les temps où mourront les amis
Et les amantes d’autrefois et d’aujourd’hui
Voici venir les jours de crêpe et d’artifice

Voici venir les jours où les oeuvres sont vaines
Où nul bientôt ne comprendra ces mots écrits
Mais je bois goulûment les larmes de nos peines
Quitte à briser mon verre à l’écho de tes cris

Je bois joyeusement faisant claquer ma langue
Le vin tonique et mâle et j’invite au festin
Tous ceux-là que j’aimai, ayant brisé leur cangue
Qu’ils viennent partager mon rêve et mon butin

Buvons joyeusement ! chantons jusqu’à l’ivresse !
Nos mains ensanglantées aux tessons des bouteilles
Demain ne pourront plus étreindre nos maîtresses.
Les verrous sont poussés au pays des merveilles.


Cadou - Le temps des villas vides


Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe et Marc Robine



René Guy Cadou (1920-1951)


Le temps des villas vides

Autour de la maison il n’y a que du sable
Des paupières de sable un silence de sable
Le souvenir d’un pas qui traîne dans l’allée
Un pas tremblant comme une anémone de mer

Et malgré les sapins c’est comme au bord des villes
La nuit venue un cimetière d’automobiles
Le cœur monte une carrosserie démodée
C’est aujourd’hui et c’est une autre année

Un temps trop court un temps mouillé de brumes douces
Une horloge qui bat à petites secousses
Comme un chat maigre boit une tasse de lait
Une vague soudain fait sauter les volets
Les jette sur les flots, gonflés comme des barques
Dans chacune il y a un enfant qui me nargue



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Couté - L'amour anarchiste

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété
par Marc Robine




Gaston Couté - (1880-1911)


L'amour anarchiste

Le gars était un tâcheron
N’ayant que ses bras pour fortune ;
La fille : celle du patron,
Un gros fermier de la commune.
Ils s’aimaient tous deux tant et plus.
Ecoutez ça, les bonnes gens
Petits de coeur et gros d’argent !
Ecoutez ça ils s’aimaient tant et plus
L’Amour, ça se fout des écus !

Lorsqu’ils s’en revenaient du bal
Par les minuits clairs d’assemblée,
Au risque d’un procès-verbal,
Ils faisaient de larges roulées
Au plein des blés profonds et droits,
Ecoutez ça, les bonnes gens
Qu’un bicorne rend grelottants !
Ecoutez ça des blés profonds et droits
L’Amour, ça se fout de la Loi !

Un jour, s’en furent tous deux prier
Elle : son père ! Et lui : son maître !
De les laisser se marier.
Mais le vieux les envoya paître ;
ALors, ils prirent la clé des champs.
Ecoutez ça, les bonnes gens
Qui respectez les cheveux blancs !
Ecoutez ça ils prirent la clé des champs
L’Amour, ça se fout des parents !

S’en furent dans quelque cité,
Loin des labours et des jachères ;
Passèrent ensemble un été,
Puis, tout d’un coup, ils se fâchèrent
Et se quittèrent bêtement.
Ecoutez ça, les bonnes gens
Mariés, cocus et puis contents !
Ecoutez ça ils se quittèrent bêtement
L’Amour, ça se fout des amants !


Vian - Le Déserteur

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Harold Berg



Boris Vian (1920-1959)


Le déserteur

Avant censures diverses

Monsieur le Président
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si vous avez le temps
Je viens de recevoir
Mes papiers militaires
Pour partir à la guerre
Avant mercredi soir
Monsieur le Président
Je ne veux pas la faire
Je ne suis pas sur terre
Pour tuer de pauvres gens
C'est pas pour vous fâcher
Il faut que je vous dise
Ma décision est prise
Je m'en vais déserter

Depuis que je suis né
J'ai vu mourir mon père
J'ai vu partir mes frères
Et pleurer mes enfants
Ma mère a tant souffert
Qu'elle est dedans la tombe
Et se moque des bombes
Et se moque des vers
Quand j'étais prisonnier
On m'a volé ma femme
On m'a volé mon âme
Et tout mon cher passé
Demain de bon matin
Je fermerai ma porte
Au nez des années mortes
J'irai sur les chemins

Je mendierai ma vie
Sur les routes de France
De Bretagne en Provence
Et je dirai aux gens:
Refusez d'obéir
Refusez de la faire
N'allez pas à la guerre
Refusez de partir
S'il faut donner son sang
Allez donner le vôtre
Vous êtes bon apôtre
Monsieur le Président
Si vous me poursuivez
Prévenez vos gendarmes
Que j'emporte des armes
Et que je sais tirer

Version Mouloudji :
Que je n'aurai pas d'armes
Et qu'ils pourront tirer



Concernant les deux derniers vers,
il semble que Boris Vian se soit finalement
"rangé" à la version pacifiste de Mouloudji.

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Boris Vian
Composition : Harold Berg

Du même auteur :
A tous les enfants
Ils cassent le monde
La java des bombes atomiques
Le déserteur
Quand j'aurai du vent dans mon crâne
Sermonette

Cadou - La fleur rouge

     Guy et Hélène Cadou - Photo Presse-Océan

Ecouter sur DEEZER
Interprétation : Marc Robine
Composition : Hélène Triomphe

Ecouter sur DEEZER
Composé et interprété par Jacques Douai
sous le titre "Son visage"



René Guy Cadou (1920-1951)


La fleur rouge

A la place du ciel
Je mettrai son visage
Les oiseaux ne seront
Même pas étonnés

Et le jour se levant
Très haut dans ses prunelles
On dira "le printemps
Est plus tôt cette année"

Beaux yeux belle saison
Viviers de lampes claires
Jardins qui reculez
Sans cesse l'horizon

On fait déjà les foins
Le long de ses paupières
Les animaux peureux
Viennent à la maison

Je n'ai jamais reçu
Tant d'amis à ma table
Il en vient chaque jour
De nouvelles étables

L'un apportant sa faim
Un autre la douleur
Nous partageons le peu
Qui reste tous en choeur

Qu'un enfant attardé
Passe la porte ouverte
Et devinant la joie
Demande à me parler

Pour le mener vers moi
Deux mains se sont offertes
Si bien qu'il a déjà
Plus qu'il ne désirait

La chambre est encombrée
De rivières sauvages
Dans le foyer s'envole
Une épaisse forêt

Et la route qui tient
En laisse les villages
Traîne sa meute d'or
Jusque sous les volets

Tous les fruits merveilleux
Tintent sur son épaule
Son sang est sur ma bouche
Une flûte enchantée

Je lui donne le nom
De ma première enfance
De la première fleur
Et du premier été

A la place du ciel
Je mettrai son visage
Les oiseaux ne seront
Même pas étonnés

Et le jour se levant
Très haut dans ses prunelles
On dira "le printemps
Est plus tôt cette année"

Beaux yeux belle saison
Viviers de lampes claires
Jardins qui reculez
Sans cesse l'horizon

On fait déjà les foins
Le long de ses paupières
Les animaux peureux
Viennent à la maison



Du même auteur :
Anthologie
Automne
Chambre d'hiver
Etrange douceur
Hélène
Je t'attendais ainsi qu'on attend les navires
L'alphabet de la mort
L'aventure marine
La fleur rouge
Le temps des villas vides
Les chevaux de l'amour
Les femmes d'Ouessant
Les maisons du destin
Lettre à des amis perdus
Louisfert
Testament

Ferré - La mémoire de la mer


Ecouter sur DEEZER
Interprétation de Marc Robine
Paroles et musique de Léo Ferré



Léo Ferré (1916-1993)


La mémoire de la mer

La marée je l'ai dans le coeur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite soeur
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années-lumière et j'en laisse
Je suis le fantôme Jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baisers
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts du sable de la terre

Rappelle-toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeurs d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude
...



Du même auteur :
Avec le temps
Cette Blessure
La mémoire de la mer
Les poètes
Merci mon Dieu
Saint-Germain-des-Prés