Philippe Desportes par Mathieu Jacquet
Ecouter sur DEEZER Composé et interprété par Guy Béart |
Philippe Desportes (1546-1606)
Stances du mariage
De toutes les fureurs dont nous sommes pressez,
De tout ce que les cieux ardemment courroucez
Peuvent darder sur nous de tonnerre et d’orage,
D’angoisseuses langueurs, de meurtre ensanglanté,
De soucis, de travaux, de faim, de pauvreté,
Rien n’approche en rigueur la loy de Mariage.
Escoutez ma parole, ô Mortels esgarez,
Qui dans la servitude aveuglement courez,
Et voyez quelle femme au moins vous devez prendre :
Si vous l’espousez riche, il se faut preparer,
De servir, de souffrir, de n’oser murmurer,
Aveugle en tous les faits, et sourd pour ne l’entendre.
Si vous la prenez pauvre, avec la pauvreté
Vous espousez aussi mainte incommodité :
La charge des enfans, la peine, et l’infortune,
Le mespris d’un chacun vous fait baisser les yeux,
Le soing rend vos esprits chagrins et soucieux :
Avec la pauvreté toute chose importune.
Si vous l’espousez belle, asseurez-vous aussi
De n’estre jamais franc de crainte et de souci :
L’œil de vostre voisin comme vous la regarde,
Un chacun la desire : et vouloir l’empescher,
C’est égaller Sisyphe et monter son rocher.
Une beauté parfaicte est de mauvaise garde.
Si vous la prenez laide, adieu toute amitié :
L’esprit tenant du corps est plein de mauvaistié.
Vous aurez la maison pour prison tenebreuse,
Le Soleil desormais à vos yeux ne luira :
Bref, on peut bien penser s’elle vous desplaira,
Puis qu’une femme belle en trois jours est fascheuse.
O supplice infernal en la terre transmis
Pour gesner les humains, gesne mes ennemis,
Qu’ils soient chargez de fers, de tourmens et de flamme :
Mais fui de ma maison, n’approche point de moi,
Je hay plus que la mort ta rigoureuse loi,
Aimant mieux espousez un tombeau qu’une femme.
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